Mai 2015
Chers Marraines, Parrains, Donateurs, Donatrices, Adhérent(e)s et autres Ami(e)s,
En cette année 2015 nous fêtons les 10 ans d’existence de notre association Le Zébuphile créée par notre amie Irène Van Der Schoot. C’est le 30 avril 2005 que paraissait au Journal Officiel l’acte de naissance du Zébuphile.
Il y a 10 ans, une petite dizaine d’enfants de rue était accueillie dans un garage, cette installation précaire tenant lieu de refuge. En 2006, l’association grâce à une poignée de donateurs achetait la première maison et ce refuge pour enfant fut baptisé Mokana. D’importants travaux y furent réalisés, douches, sanitaires, remise en état de la cuisine, des canalisations et peinture à l’intérieur, ont pu être financés, permettant d’accueillir 20 enfants. Puis en 2012, acquisition de la maison des voisins qui jouxte et partage la cour de Mokana. Après réhabilitation des lieux, création d’une salle d’étude et d’un logement pour notre responsable sur place. Bien entendu, le nombre d’enfants accueilli et aidé n’a cessé de croître : 19 enfants internes et 25 enfants externes ainsi que plusieurs familles soutenues matériellement.
Le développement et la pérennité de notre action auprès des enfants malgaches défavorisés ou en grande précarité n’ont été possible que grâce à la générosité, à la volonté et au soutien de vous tous Marraines, Parrains, Donateurs et Adhérents.
Merci à vous.
Je me suis rendu à Madagascar en avril, pour ce voyage, avec Isabelle, nous étions accompagnés de Paule Piednoir, marraine de longue date . La semaine a été occupée avec Louise pour les consignes, compte rendu de la vie à Mokana, parler individuellement ou en groupe aux enfants de Mokana, état des lieux des travaux réalisés et ceux à prévoir, démarches dans les administrations, délégation régionale du ministère de la population, recevoir comme à chaque voyage, les sollicitations d’aides et de parrainages venant de mamans ou de familles en grandes difficultés envoyées à notre association soit par les assistantes sociales ou la Juge des enfants.
Compte tenu de la chaleur régnante à Fianarantsoa, nous avons organisé une sortie piscine à l’hôtel Sorafia ouverte à tous les enfants internes et externes soit environ une quarantaine d’enfants et qui s’est terminée par un goûter à Mokana. Nous avons profité de l’occasion pour distribuer les cadeaux des parrains/marraines et les courriers.
Les enfants
Les enfants de Mokana vont bien et semblent épanouis. Alexandra (qui était précédemment externe) et nouvellement arrivée à Mokana, s’est bien intégrée à la vie en collectivité. Miora qui avait été victime d’un accident sur le chemin de l’école, va bien et n’a pas de séquelles. Malgré tout, quelques tensions entre les grandes filles Mbinina, Nina et Rosette. Ces filles sont maintenant des adolescentes et parfois la situation est difficile à gérer. Louise surveille de près les filles et interdit l’accès de Mokana aux garçons entreprenants …
A la demande des enfants, la sortie pique-nique à la campagne qui avait lieu le lundi de Pentecôte se fera le lundi de Pâques, car la météo est bien meilleure et plus propice au pique-nique à Pâques que Pentecôte, ceci à partir de l’année prochaine.
Résultats scolaires et Répétiteur
Les résultats scolaires du premier trimestre n’ont pas été bons du tout pour la grande majorité d’entre eux. J’ai félicité les rares bons élèves et ceux qui avaient fait des efforts. Houspillé ceux qui “glandent” et qui se laissent vivre.
Je me suis entretenu avec Osny, le répétiteur, afin qu’il s’occupe plus particulièrement de ceux qui sont en difficultés ou à la dérive que nous avons identifiés. Les grands qui sont à SFX et qui passeront le bac l’an prochain bénéficieront de cours particuliers de soutien en mathématiques, matière où ils sont faibles.
Mme Berthe notre cuisinière à Mokana
Après un entretien avec Mme Berthe, celle ci a émis le souhait de cesser, à la fin de cette année, ses activités à Mokana compte tenu de son âge et de sa fatigue. Elle quitterait Mokana ainsi que sa petite fille Raissa, qui elle continuera d’être parrainée par l’association. Louise a commencé à se mettre à la recherche d’une cuisinière, qui comme Mme Berthe, serait logée à Mokana ce qui est plus pratique.
Travaux et entretiens
Les travaux entrepris l’année dernière ont été correctement réalisés :
– Remise en état et réparations des gouttières du logement de Louise.
– Remise en état des canalisations d’évacuation des eaux usées. Réhabilitation du regard en bout de canalisation.
– Vidange, curetage et changement des mâches fer des fosses.
– Remise en état des petits murets de la cour intérieure.
À faire :
– La cuisine intérieure de Mokana est à réhabiliter entièrement : faux plafond, peinture, électricité et réfection du toit qui fuit lorsqu’il y a de fortes pluies comme récemment. J’ai rencontré l’entrepreneur qui nous a fait un devis estimé à environ 200 euros et devrait commencer les travaux assez rapidement.
– Nous ferons repeindre les dortoirs en août lorsque que les enfants seront en vacances.
– Remise en service du chauffe eau solaire. Remplacement du panneau solaire en partie dégradé et devenu obsolète par une installation neuve.
Semaine de vacances août/septembre
Pour fêter les dix ans de notre association, les vacances d’août/septembre dureront un peu plus longtemps que les autres années, une dizaine de jours avec 3/4 jours dans l’Isalo (les enfants avaient beaucoup aimé l’année dernière) et ensuite continuité vers Tuléar avec 5 jours de classe verte et de découverte à Mangily au bord de la mer où nous serons reçus par l’association Bel-Avenir.
Effectif de l’association : 41 enfants
– dont internes : 19 (9 garçons et 10 filles).
– dont externes : 22 (9 garçons et 13 filles).
3 parrainages sont en attente (enquêtes sociales en cours).
Demandes aides et parrainages
À la demande du Juge des enfants, nous avons reçu une famille composée d’une mère célibataire avec trois enfants plus trois autres enfants appartenant à sa sœur décédée assassinée par son mari.
Après une longue discussion entre nous, plutôt que de favoriser par un parrainage un enfant sur six il nous est apparu plus équitable d’aider cette famille dans sa globalité en lui octroyant une aide financière par mois (soit l’équivalent du coût d’un parrainage sur l’année) pour la nourriture et l’écolage des enfants.
Nous avons reçu trois autres demandes de parrainage et après examen de chaque cas, nous avons retenu pour être parrainée une petite fille orpheline de 9 ans élevée par la grand-mère mendiante. Elle nous a été présentée par une voisine qui connaissait notre association.
Merci pour votre soutien
Amitiés Zébuphile de toute l’équipe
Le petit mot d'une marraine qui en est à son dixième voyage
À chaque fois, ma connaissance de la Grande Île s’approfondit, ainsi que celle de Mokana.
À chaque fois, je revois la plupart des enfants, grandis, et bientôt prêts, pour certains, à quitter la maison.
En dix ans, de progrès en progrès, même si souvent pour un pas en avant, on en fait deux en arrière, on peut dire que la maison tourne, qu’elle a une âme, qu’il y règne un esprit familial.
Notre maison a acquis une réputation, en particulier grâce aux relations suivies entretenues avec la juge des affaires familiales, que rencontre souvent notre responsable.
À quoi cela tient-il ?
À une idée devenue réalité grâce à la volonté, à l’énergie et au sens des affaires d’Irène, sa fondatrice.
Au fait que les enfants sont là depuis le début. Ils ont grandi ensemble, bénéficié d’un cadre, d’une stabilité et d’une scolarité suivie et encadrée, en somme de ces repères si importants pour la formation d’un enfant.
À nos représentantes sur place, qui font tourner la maison, Michella, d’abord et depuis deux ans, Mme Louise qui s’est révélée à la fois très professionnelle et à l’écoute des nombreuses préoccupations de nos jeunes, garçons et filles.
Et un peu aussi à la présence rassurante de Mme Berthe, qui m’a toujours fait l’impression d’une indispensable grand’mère, attachée au fourneau, à la cuisine où ça sent toujours bon!
Elle va nous quitter et il faut la remplacer.
Tous les enfants semblent conscients de la chance qu’ils ont d’être là, même s’ils n’en tirent pas tout le parti souhaité. Ils n’ont guère envie de quitter ce cocon où ils sont à l’abri des difficultés du monde extérieur. Et pourtant, il faudra bien. C’est notre souci.
Rien n’aurait été aussi abouti sans la générosité d’Hélène et son inlassable affection pour les enfants.
Grâce à elle et à d’autres donateurs, la maison s’est agrandie d’une salle d’étude et d’un petit appartement pour notre déléguée.
À présent, la vitesse de croisière est assurée par Patrick, notre président, qui, avec Isabelle s’est engagé à fond pour faire vivre cette maison. Deux fois par an, il se rend sur place et c’est le rituel des RV, des visites aux institutions, centre de santé, état des lieux, travaux à prévoir et demandes à examiner pour de nouveaux protégés.
Mokana a donc dix ans!
J’en parlais avec les grands qui m’ont dit: « ça se fête ! On doit tuer un zébu ! ». Chez nous, pour fêter un événement, on dit « Champagne ! », là-bas, on dit « zébu » !!
A travers ces propos d’enfants, j’ai senti remonter, se concentrer ce qui est encore et toujours au cœur des valeurs malgaches. Le zébu, le bœuf à bosse ! Quelle bonne idée a eue Irène en appelant l’association Le Zébuphile ! Celui qui aime le zébu.
Mada est la terre du zébu. Avec le riz, sur lui repose la vie. Il tire la charrette, laboure, donne sa viande, son lait et pour célébrer la vie ou la mort, on festoie autour de l’animal sacrifié, qui relie les hommes à la terre, la terre des ancêtres.
Il fait partie du quotidien et du sacré. La richesse d’un homme se mesure à son troupeau. Les tombeaux du Sud affichent des hérissements de cornes qui témoignent de la puissance du défunt jusque dans la mort.
Notre journée à Ambalavao nous en a convaincus, c’est là que se tient le grand marché aux zébus de l’Ile, immense foirail où s’effectuent des tractations de connaisseurs qui échappent à nous autres citadins, et de plus étrangers…
Nous avons vu des bêtes splendides, seigneurs de la terre que le grand poète malgache J.J.Rabearivelo a si bien célébrés :
« Voûté comme les cités d’Imerina en évidence sur les collines, bossu…voici le taureau puissant, pourpre comme la couleur de son sang.
Il a bu aux abords des fleuves, il a brouté les cactus et les lilas, accroupi devant le manioc et les pailles du riz, qui sentent l’ombre et le soleil.
Aux frontières de la nuit, ses cornes sont comme un croissant qui monte »
(Omby, dans Presque songes)
Donc l’idée des enfants serait à creuser. Nous verrons en assemblée générale ce qui peut être fait raisonnablement. Ce serait une façon de renforcer l’enracinement de l’association.
Merci de votre patience à lire cet hymne au zébu et s’il vous en reste encore un peu, voici une dernière impression que je retire de mes voyages, toujours la même, toujours aussi mêlée de contradictions.
Dans un pays qui ne parvient pas à se redresser, la vie est incontestablement difficile. Au bout d’un moment, on a envie de le quitter « marre de ces routes impossibles, des délestages, des coupures d’eau régulières ou inopinées et du reste ! » et étonnamment, dès qu’on est rentré, le goût de là-bas revient. C’est comme un phénomène de nœud coulant qui vous enserre un peu plus à chaque effort qu’on fait pour s’en défaire.
A l’Alliance Française, à Tananarive, un professeur, me demandant si je reviendrais, me fit connaître ce proverbe qui court à travers la poésie et les légendes malgaches « Celui qui a bu l’eau du Manangarèze, revient toujours en boire » (fleuve de la côte est qui se jette dans l’Océan Indien à Tamatave).
Je ne ferai pas mentir ce proverbe.
Et vous, parrains, marraines et donateurs, viendrez vous boire de cette eau ?
C’est bien sûr une image et comme toutes les images, elle s’adresse à l’imagination. Quelles belles images que ces scènes de récolte du riz, pleines de vie et de couleurs, ces autres de chercheurs d’or dans la rivière, ou encore celles de ces énormes alambics, au long des routes, engloutissant sans fin des fagots de plantes que les enfants apportent sur leur tête, tout cela pour extraire la précieuse essence qui guérira ou au moins apaisera et soulagera.
Au total, un petit mot bien long et qui est devenu une invitation au voyage.
Quelques- uns d’entre vous sont déjà venus ou même revenus, mais pour les autres, laissez-vous tenter par la force qu’on retire du voyage et venez découvrir, à travers les beautés du pays Betsileo la maison du Zébuphile et faire connaissance avec ses jeunes habitants.
Paule Piednoir.
Le Raincy. Mai 2015.